La ou les tailles

La taille est indispensable pour placer et marquer la silhouette d'un jardin. On peut avoir deux approches. La première est la taille prévisionnelle, qui s'adapte aux besoins physiologiques (silhouette de la plante) et à la croissance (biologie et intégration de la plante à son environnement). C'est une taille botanique, utile pour favoriser la formation et la fructification du végétal. La seconde est une taille, davantage soumise aux contraintes humaines : plus architectural (topiaire notamment) qui permet de former des végétaux avec des formes bien définis.

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Jacques Wirtz, un art de sculpter le végétal

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Le jardin Albert Kahn à Boulogne

Nos connaissances sont surtout axées sur des tailles d'arbres, d'arbustes, de conifères et d'herbacées d'ornement (vivaces, annuelles, graminées).

Évoquer la taille, selon nous, va dans le respect du type de plante avec sa forme naturelle : la bonne saison, l'âge, la force de l'arbre. Une taille bien réalisée anticipe le futur développement du végétal et permet alors de réduire le nombre d'interventions. Nous associons d'avantage les tailles douces, les tailles de formation, les tailles de transparence et les tailles fruitières. Malheureusement, les tailles les plus pratiquées sont les tailles de contrainte, en deux mots : "tu me gènes, je te coupe".


Il y a deux types de tailles :

  • Formation - entretien/restructuration - fructification : revoir l'arborescence en éclaircissant une ramure trop dense, revoir la structure et équilibrer, donner plus de fleurs et fructification pour certaines espèces fruitières, pour donner du fruit régulièrement et éviter le phénomène d’alternance).
  • Contrainte : Bois mort, végétal gênant ou dangereux vis-à-vis du voisinage.

Les questions à se poser avant de passer à l'action :

- respecter un port naturel selon son espèce

- bien affuter, désinfecter son sécateur dès qu'on change d'espèces

- on taille toujours en biseau

- On taille court un arbre peu vigoureux dans le but de lui redonner de la vigueur  et on taille long un arbre trop vigoureux pour garder des branches charpentière qui supporteront un certain poids de fruits.

Dans quel but je taille ?

- Pour maintenir une ramure et un bon équilibre de l'arbre avec son centre et éviter un épuisement : la sève aura du mal à atteindre une branche trop éloignée, ce qui risque d’épuiser l’arbre sur long terme;

- Éclaircir pour faire rentrer la lumière, qui permettra de redonner une meilleure photosynthèse, éviter le développement des maladies s'il y a trop de branches mortes au centre de l'arbre et une bonne maturation des fruits. On commence alors à éclaircir le centre de l’arbre (s’il est mené en cépée), on éclaircira des branches charpentières trop âgées et on supprimera certains rameaux parallèles, se croisant ou situés sous une branche charpentière.

- Couper à la base les gourmands et les rejets de base à part si on souhaite totalement renouveler une charpentière d'un arbuste vieillissante, certaines espèces supporte bien ce type de taille comme le pérovskia.

Au-delà de ces règles, la taille devient contrainte à part s'il y a une nécessité, suite à des travaux, sinon je suis d'accord avec ce dicton : « mieux vaut ne pas tailler du tout que de mal tailler ».

 

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Taille topiaire en vase (abbaye de Fontenelle)

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Taille de formation d'érable japonais (jardin Albert Kahn)

 

L'art topiaire ou arbre à sculpter


 

Cet art est pratiqué depuis l'Antiquité jusqu'à son apogée dans les jardins à la française avec André le Nôtre (XVI-XVIIe). Il a toujours gardé ce souci d'imiter le sculpteur, de calquer des ombres et de jouer avec les formes géométriques.

Assez de mise en ambiance. Concrètement, quelles sont les espèces-types qui supportent réellement "l'art topiaire" ?

  • L’éternel buis (Buxus Sempervirens: commun, suffructicosa, et rotundifolium), en ce moment, il peine avec la pyrale du buis mais reste l'arbuste "historique". On peut en énumérer d'autres qui se plient à cet art.

La chapelle construite dans un tronc d'If à "La Haye-de-Routot"

La chapelle construite dans un tronc d'if à La Haye-de-Routot

  • En deuxième position, l'if commun (Taxus Baccata). Son apparence est plus sombre, avec des petites épines non piquantes. Il est aussi rustique que le buis et peut atteindre des records de longévité. On pense à l'if du cimetière d'Estry âgé de 1000 à 1500 ans et d'autres comme celui des cimetières de l'Haye-de-Routot avec sa chapelle construite en 1866 (Rudolf Wittman, Terre des arbres, Ulmer, 2004).
    Petit aparté, ces ifs normands séculaires ont en moyenne des circonférences de tronc de 10 à 15 m. Il est intéressant de remarquer que le buis et l'if ont de nombreuses caractéristiques communes, c'est-à-dire, ils peuvent s'adapter à des terres très lourdes comme à des terres calcaires pierreuse, ils ont une croissance très lente. Pareillement à l'if, le buis est aussi un végétal de cimetière, on trouve un des plus vieux buis de France à Maucomble, en Seine-Maritime et enfin, les deux supportent des tailles bien répétées. L'if, singulièrement, peut même bourgeonner sur le vieux bois. Il faut juste éviter de tailler en période de canicule.
  • Le chèvrefeuille à feuille de buis dit aussi Lonicera nitada, beaucoup le considèrent comme le végétal d'alternative au buis. Il n'est pas le plus étoffé, il pousse peut-être trop vite, il reste sombre. Bien qu'il supporte tous types de sols il n'aime pas les sols trop secs, hormis un cultivar plus ressemblant au buis, idéal pour la topiaire et peut rester aussi couvre-sol : le Lonicera nitida 'Maigrün'
  • Le troène du Japon dit Ligustrum japonicum, comme pour le laurier sauce Laurus nobilis, on le considère comme un "petit-arbre" entre la catégorie arbres et arbustes. Il est surtout intéressant parce qu'il peut vraiment couvrir tous types de catégories dans "l'art topiaire" : boule, cône, bordure, demi-tiges, isolé, massif... Coloris vert brillant et surtout odorant.

Haies de Charmes contrastés

Haies de charmes en topiaires contrastés, en arrière-plan_©Geoffroy Saillard Le Bois-du-Fay

Le charme, Carpinus betulus. Le premier point capital contrairement aux précédents est que son feuillage est semi-persistant à marcescent l'hiver. Nous le conseillons pour jouer sur des couleurs avec d'autres arbustes en topiaires, étant donné que son ton automnal devient brun-orangé ce qui est du plus bel effet avec d'autres espèces. On remarque généralement, qu'il n'aime pas les climats océanique et méditerranéen.

Le laurier sauce dit Laurus nobilis. Il est peu exigeant sur la nature du sol jusqu’à être envahissant ! Il n'est pas considéré comme une plante rudérale, en période de reproduction, ses graines sont moins abondantes que l'érable sycomore Acer pseudoplatanus, au niveau des plantules. À l'image du troène, il est classé entre l'arbre et l'arbuste et il est odorant. Idéal selon nous, pour réaliser des cônes.

Il y a bien d'autres espèce qu'on peut sculpter en forme topiaire ou japonisante, comme le cotoneaster lacteus qui par sa forme érigée peut être taillé avec fantaisie. Ci-dessous, un exemple sur le terrain d'un cotoneaster lacteus, taillé de façon japonisante.

 

Taille douce ou de transparence


Ce type de taille se pratique sur tous les arbres et arbustes. Le but est de laisser rentrer la lumière d'en favoriser son jeu sur les branchages et d'atteindre les cultures du dessous, mais encore, pour évoluer dans un jardin moins étouffant, incitant à voir derrière les masses végétales et à suggérer des perspectives. Cela est aussi une taille sanitaire assainissant l’ensemble de l’arbre afin de faire circuler l’air, on intervient à l’intérieur des arbres et des arbustes et non, de l’extérieur.

Après une pratique régulière, ces tailles nous permettent de mieux comprendre l'arborescence naturelle de chaque arbuste et arbre, cela vaut aussi pour l'élagage.

Si l'on doit respecter les saisons, c'est pour que l'arbre cicatrise au mieux. On évitera de tailler au printemps pendant la floraison et à l'automne, au moment de la chute des feuilles dans le point de vue physiologique de l’équilibre de l'arbre, pour privilégier les tailles hivernales et les « tailles vertes », estivales.

 le sécateur appelle la sève

Il n'est pas obligatoire de tailler tous les ans à part pour les fruitiers si l'on désire avoir des fruits et pour les tailles après floraison (chapitre ci-après) pour favoriser les pousses et les futures fleurs. Une taille est toujours une intervention qui fragilise une plante.

Par contre, il est conseillé tous les 3 à 10ans selon les variétés de rajeunir en supprimant les branches anciennes et d'éclaircir en complément, dans le but d'aérer le centre de la charpente: je coupe les branches trop serrées et qui poussent en parallèle et celles, qui rentre à l'intérieur. En revanche pour les fruitiers, on parle de taille de simplification, qui permette de garder une à deux branches maitresses et d'éviter les ramifications en sur nombre.

A ce propos, je vous recommande de regarder le travail d'Alain Pontoppidan et de Dominique Cousin.

Taille après floraison


 

Elle concerne les arbustes printaniers de type Cognassier du Japon, les Spirées avec les plus spectaculaire la Vanhouttei, Arguta; Philadelphus en particulier Bouquet Blanc et Coronarius et l'incontournable Forsythias.

La taille pour ceux-là, n'est pas forcement systématique du fait qu'ils se développent en cépée avec des ports souples et arqués. La taille systématique après floraison de façon drastique amène à moyen terme, des ports trop raides ou taille dit au "bol" (tout ce qui dépasse est supprimée); encore trop d'arbustes de ce type sont traités ainsi, ce qui n'apporte rien pour crée de la densité et des jeux de lumière au jardin.

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