Des adaptations, qui nous font réfléchir à notre manière d’habiter le monde

Les départs de citadins vers la ruralité pour retrouver l’autosuffisance alimentaire demande une véritable connaissance du monde végétal avec les aides, que sont la permaculture, le maraichage bio-intensif, l’agroforesterie, les animaux et l’élevage. Par exemple, un « jardin-foret » réconcilie l’ornemental et le vivrier conçus pour les humains et les animaux; dans ce type d’espace, l’homme sait « mesurer » ces interventions. Parler de la permaculture, c’est surtout comprendre qu’au-delà de la technique, on co-créer des micro-climats , dans la mise en place de ceux-là on fait attention à mettre de côté ces émotions pour regarder la nature de façon objective en évolution constante. De plus, il y a le risque de réduire la permaculture à un dogme de « l’ultra-naturel », ou on n’intervient pas. Justement, le jardinier recherche en permanence l’équilibre et accompagne la nature, en prenant en compte ses besoins, ses objectifs et son cadre de vie pour choisir des solutions écologiques adéquates. Et donc, concrètement il y a de très nombreux avantages à ne pas rejeter des méthodes comme : la taille de transparence douce (taille verte), le greffage, le plessage-treillage, etc. qui dans un contexte agricole, aide autant le jardinier et le gestionnaire agro-industriel à installer des systèmes durables pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas. En effet, ici avec humilité on ne parle pas de « révolution », mais « d’évolution ». Quelle beauté, de voir l’interconnexion d’éléments dans la nature, qui remplissent plusieurs fonctions. Ne vous y prenez pas, la permaculture bien comprise n’est pas un « patchwork » à placer, mais elle incite à une observation et à la mesure, dans la planification d’interventions progressive.

« Le plus précieux dans la nature n’est pas la matière, mais la connaissance » – Idriss Aberkane

Le système du « jardin foret » est le pivot des systèmes durables en jardin, son autorégulation se fait au bout de quelques années. Et l’homme qui s’y trouve, qui grandit avec cet espace, peut retrouver sa nature profonde originelle, d’être un « chasseur-cueilleur ».

Contemplons des exemples de coopérations :

  • Dans la terre : des plantes légumineuses peuvent fixer l’azote atmosphérique grâce à une bactérie dans la racine qui aide la plante à transformer cet azote en minéral assimilable, et dans le même temps, des champignons mycorhiziens se fixent aux racines des plantes pour ramener de l’eau et des nutriments inatteignables par ces mêmes racines.

  • Dans l’habitation : la mise en place de toilette sèche à séparation, où les urines rejoignent un réseau d’eaux grises de la maison qui passent à travers la filtration (phytoépuration) et finissent leur course dans une mare d’eau garni de plantes aquatiques. L’eau y est réutilisée pour les arrosages et la taille des plantes aquatiques enrichies peut servir comme paillage ou à destination du tas de compost. Ce système profite à toutes les parties du jardin dans la récupération d’azote.

  • Les mauvais souvenirs du jardin sont souvent liés à des activités comme le désherbage non sélectif ou la parasitologie. Ces deux activités peuvent être réduites voir arrêtées, quand le jardinier comprend que s’il y a par exemple un surplus de limace, c’est que l’écosystème sur son terrain n’est pas encore fonctionnel (avant que d’autres auxiliaires n’arrivent : les carabes ou EM (micro-organismes au service de la vie) pour limiter les limaces, il faut quelques années). Pensez à vos limaces, repiquez et plantez pour elles.

La forêt jardin ou forêt comestible est un système qui, au bout de quelques années, génère sa propre fertilité : un espace autonome qui ne nécessite aucun travail du sol et aucun arrosage. Comme dans nos réseaux de friches, dans un milieu plus rural, une forêt-jardin lutte contre l’érosion des sols et favorise la création de micro-climats. Par exemple, Martin Crawford a un jardin-forêt de 8500 m2 composé de 550 espèces végétales et il s’en occupe depuis 20ans pour maintenir ce « climax ». Les interventions conséquentes sont de surveiller la « canopée », les cimes des plus hauts arbres peuvent se renfermer avec d’autres ce qui fait péricliter, notamment la strate herbacée ; on applique des tailles de transparences (dite aussi « taille verte ») pour maintenir un équilibre dans toutes les strates et pour qu’elles soient toutes influencées presque directement par le rayonnement solaire. Les grands arbres font remonter les minéraux du sous-sol et reconstituent une litière (feuilles tombées au sol) au bénéfice des végétaux de la strate herbacée (vivaces, grimpantes et arbustes). Il y a encore des doutes, notamment sur la redistribution de l’eau par les arbres aux plantes cultivées. Mais il est sûr que l’évapotranspiration des arbres redistribue (notamment dans un climat tropical). Enfin, on observe des bénéfices sur la diversité : on récoltera moins de pommes sous un hêtre que dans un verger, mais on récoltera des pommes, des fanes, des fraisiers, des orties et des ails des ours.

Le principe du jardin forêt

Plantation d’Hosta. Martin Crawford paille avec du carton, pour éviter une concurrence trop forte, des autres vivaces et couvre-sol déjà implantés.

Néanmoins, sur cette approche il faut penser à revoir ses recettes et sa consommation alimentaire si dans son objectif à long terme on veut se nourrir presque exclusivement de cette forêt-jardin. La majorité des plantes consommables sont des fruits, fruits à coques et vivaces : jeunes pousses de bambous, hostas (photos en haut, à droite), ancolies, capucines tubéreuses, cerfeuils tubéreux (chaerophylum bulbosum) et musqué, légumes perpétuels : poireaux, ail des Ours ; les lianes avec les ronces ou les framboisiers. En effet, il n’y a presque pas de légumes annuels pour potager, ce type d’espace n’a pas la vocation à remplacer une surface en micro agriculture bio intensif, c’est surtout un espace qui réconcilie plusieurs strates végétales, en volumes.

En complément, qu’est-ce qu’une culture multi-étage, avec Franck Nathié :

 

Pour finir, je vous invite à lire cette réflexion de Richard Wallner de la ferme « Au petit colibri ».

R. Wallner, nous explique à partir de son expérience sur le terrain, que la permaculture est avant tout une démarche qui permet d’aboutir à un projet de conception et non pas à une technique concrète de jardinage disposé dans une boite à outils qu’on lance comme des shurikens ou que l’on pose comme un graffiti sur un mur. La permaculture demande une connaissance précise sur la nature de son terrain, elle est de surcroit « low-tech ». Les choix techniques relèvent de choix personnels et d’un contexte, ils ne se transposent pas n’ importe où, d’où cette exigence de prendre en compte le contexte géographique de son terrain.

Qui est le jardinier ? Une personne avant un métier

Un homme qui cultive la « permanence » créer un environnement naturel, durable et autonome en repensant des « biotopes ». La définition de l’écologie veut dire Oikos (science de maison) et incite l’homme à devenir responsable. Regardons Sainte Hildegarde qui nous donne des clés de compréhension : être « responsable de l’univers ». L’univers c’est toute la création autour de nous.

Un jardinier, selon Gilles Clément doit avant d’intervenir, comprendre et respecter ce qu’il ne comprend pas et de ce fait, réfléchir s’il doit intervenir ou pas.

C’est d’abord un intendant avant d’être un technicien. Il harmonise pour garder une pérennité évolutive. En d’autres termes, il ne s’agit pas à tout prix d’enlever la « vase du fond » pour constamment repartir à zéro. Un jardinier doit aussi s’adapter en fonction des besoins tant en eau et en soleil, comprendre cette adaptation, pour mieux agir ! Quel plaisir il y a à comprendre les phénomènes naturels qui font son jardin. Il s’agit alors pour le jardinier de regarder les microclimats (ventées, froid, humide, sec, etc.) de son jardin, en prédisant si une plante se plaira à tel endroit, plutôt qu’à un autre.

Joseph Chauffrey que nous avons rencontré à l’été 2016, nous a démontré que la vraie connaissance d’un jardin s’exprime dans les petits soins, qu’il n’est pas forcément nécessaire d’avoir beaucoup d’outils, mais davantage de la connaissance ; en misant sur la diversité des milieux pour mieux réguler la présence naturelle des maladies et des ravageurs. Ces derniers seront dans le futur, en général plus nombreux à cause du changement climatique, c’est-à-dire des températures plus extrêmes entre des records de chaud et de froids qui s’expriment par un surplus de pluie en hiver, trop de chaud à la fin de l’été et plus, de coups de gel au printemps, Le jardinier qui veut du durable doit s’adapter à plus de déséquilibre.

Des floraisons notamment sur les arbres fruitiers toujours plus précoces, nuisent à l’intensité de la floraison et une récolte de fruits moins homogène…

 

Le jardinier n’est pas un savant, il est surtout un veilleur qui veut comprendre les relations dans un écosystème. En regardant une nature défaillante et plus imprévisible, elle lui révèle la beauté de l’adaptation et de la progression inattendue du végétal, lui de son côté cherche à mieux comprendre, en l’accompagnant. La réalité du terrain dissipe les illusions et aides à acquérir la tempérance dans les travaux d’apparence ingrates, un jardinier apprend toujours de ses erreurs, ce qui l’aidera à comprendre qu’un jardin n’est pas un musée.

Sainte Mère Theresa pensait les « foyers » d’accueil pour les hommes, en trois lettres : CEC. C : Compréhension, E pour Estime et C pour Considération, cette charité s’exerce aussi avec la nature.

« L’homme est un fruit ; il y a deux façons de produire : le presser et vous obtenez un verre de jus d’orange et un burnout, et le planter : un type heureux et des oranges ». Idriss Aberkanne

De robustes et exemplaires jardiniers-maraichers

Nous allons regarder, comment ces jardiniers-maraichers sont exemplaires notamment sur la façon de favoriser l’épanouissement des forces de vie présentes dans leur contexte.

Nos ancêtres jardiniers, les maraichers du XIXe siècle1 à Paris

Ils avaient compris qu’on pouvait produire de façon diversifiée sur des sols et des environnements non adaptés en favorisant une multitude de jardins viviers. Ces maraichers réalisaient jusqu’à huit à neuf rotations de culture par an ! Une adaptation à toute épreuve, pour produite de façon abondante sur une petite surface à l’aide des « couches chaudes »2. Ils avaient compris cette notion clé : le produit d’un système est réutilisé pour éviter qu’il devienne désagrément et ses déchets deviennent ressources pour un autre. Ces stratégies complémentaires convergent vers un même but : produire toute l’année. Cet exemple de jardinage bio-intensif comptait alors en 1845, 1378 hectares divisés en 1800 jardins (environ 7000 m2) : cinq personnes par jardin ce qui totalisait 9000 jardiniers pour alimenter la capitale en légume. En effet, la ville de Paris a été autosuffisante en légumes frais, produits intra-muros et proche banlieue (Paris comptait 1 050 000 à 1 700 000 habitants en 1861).

Pour compléter ce thème, je vous invite à regarder l’exposé ci-dessous de Jean-Michel Roy : Comment ces installations, nous inspirent et ce circuit est-il audacieux, à l’heure de nos métropoles ?

 

Face à l’absurdité de la croissance économique qui prétend que l’on peut croitre indéfiniment, ces sages agriculteurs nous transmettent les vertus de l’observation (la patience), de la modération (la tempérance) et l’adaptation (l’humilité).

Une parfaite adaptation à l’environnement : les Dogons

Les Dogons se sont installés au XIVe siècle dans les falaises de Bandiagara (une immense falaise de 260 kilomètres). C’était alors, un choix stratégique pour se défendre et conserver leur culture3, notamment contre les Peuls à partir du XVIIe siècle. Au total, la surface totale est de 30 000 à 40 000 km carrés suivant des frontières sur lesquelles personne ne s’accorde, cependant le pays dogon présente quatre parties géographiquement contrastées: un plateau de grès au relief chaotique, une longue plaine sableuse et des falaises. C’est Marcel Griaule en 1930 qui étudie pour la première fois ce peuple sur lequel il effectue la grande majorité de ses recherches entre 1935 à 1939, au cours de cinq expéditions cumulant plus de 85 000 km parcourus. Jean Rouch, sur les traces de son maitre Marcel Griaule, se rendra au pays Dogon où il tourne en 1950 le documentaire culte Cimetières dans la falaise et poursuivra en tant qu’ethnographe cinématographe l’œuvre de M. Griaule sur ces « peuples de la falaise » avec la collaboratrice Germaine Dieterlen4 et reviendra 1974, pour Dama d’Ambara qui parle aussi des rituels funéraires.

 

Ces documentaires montrent en image l’univers savant des Dogons, qui nous enseignent surtout qu’après plus de sept siècles de présence dans un milieu difficile d’accès, ils savent tirer une pleine connaissance de leur milieu tant dans la recherche d’eau que dans l’agriculture, qui a permis à ce peuple de s’adapter à des conditions extrêmes en plein Sahel5. Il y cultive surtout le mil, le fonio et l’oignon (importé par Marcel Griaule en 1930) au point qu’ils sont devenus les premiers fournisseurs d’oignons, en Afrique de l’Ouest.

 

Pour créer leur sol, les Dogons font fonctionner le circuit court avec d’autres tribus. À titre d’exemple, la matière organique animale vient des troupeaux des bergers Peuls qui ont un laissez-passer pour faire paitre leurs bêtes qui nettoient et engraissent la terre, en échange de production de graines données par les Dogons. Ensuite, des micros climats sont créés par la disposition de petits jardins encastrés dans les falaises, établis avec des murets de pierre qui créent de nouvelles parcelles à cultiver et qui ne dépassent pas 1m de haut. Tout se fait manuellement avec la houe qu’on appelle daba, en Afrique de l’Ouest. La houe est muti-usage pour le sol : décompactage, plantation, sarclage, buttage, etc. Le dabba est l’outil universel d’un grand nombre de civilisations agraires de par le monde et cela depuis le début de la sédentarisation.

Les micros cultures des Dogons, à perte de vue

Enfin, ils maitrisent les associations des plantes : association céréales (mil, fonio et sorgho)/légumineuses (niébé). Tout cela est complété par des courges et des aubergines locales avec des amarantes6 cultivées comme des épinards.

Les Dogons sont un modèle d’adaptation, basé sur deux principes : savoir tirer profit de l’espace et du temps.

 

Paysage Dogon

 

La résistance de l’agroécologie : les agriculteurs au Burkina Faso

En Afrique de l’Ouest depuis 30 ans, Terre et Humanisme soutien le développement de systèmes alimentaires locaux vertueux, par l’approche agroécologique.

Depuis 60ans, le Sahel a tendance à s’élargir et les pays contigus voient leur ancienne savane qui était munie d’un couvert forestier dense et d’animaux (lion et hyènes), presque disparaitre dans certaines parties au détriment du désert. Jean Rouch en 1965 illustrait encore cette chasse au lion à la frontière du Mali et du Niger. Autre constat, les pluies sont plus rares et plus violentes et l’eau n’a pas le temps de s’infiltrer dans le sol, un soleil desséchant complété par le souffle de l’harmattan (vent venant du Sahara) vient achever le travail. La terre est alors la première touchée et ces symptômes sont visibles avec la formation d’une croûte infertile. De base, les sols des savanes d’Afrique de l’Ouest et centrale sont majoritairement de type ferrugineux tropical, présentent de bonnes aptitudes culturales, mais leur faible teneur en argiles, les expose à une érosion et un lessivage rapides.

Ensuite, la majorité des activités pastorales et agricoles n’était pas régénérative : avec la technique du brûlis et le défrichement de la brousse pour conquérir de nouvelles parcelles et avoir du bois pour les feux notamment de cuisson ou encore la taille de cheptels dans lesquels les ruminants sans contrôle engloutissent sans distinction les herbes, les banches et les jeunes pousses d’arbres et enfin, une grande majorité d’agriculteurs se maintenaient par la béquille pétrochimiques (engrais et pesticides) ce qui a entraîné une dégradation sévère des terres agricoles. Les agriculteurs étaient encouragés par l’état à acheter toujours plus d’engrais et la spirale d’endettement s’est ancrée, vous n’avez plus qu’à rajouter les actions de la « PAC »7 qui a promu l’exportation de blés et de poulets européens sur les marchés d’Afrique de l’Ouest moins cher que les productions locales, pour voir pour la première fois des paysans avoir faim et sans aucune chance de survie face à cette concurrence inégale.8

Tous les paysans burkinabés sont unanimes vis-à-vis des actions du capitaine anti-impérialiste Thomas Sankara en faveur de l’agroécologie dans sa politique nationale dès 1983. Il militait pour que le pays soit souverain pour produire ce qu’il mange et manger ce qu’il produit et pour éviter cet exode rural qui a surtout sévi entre 1970-1990 au Sénégal et au Burkina Faso.9 À son assassinat le 15 octobre 1987, le Burkina Faso avait quasiment réussi à retrouver l’autonomie alimentaire. Curieusement à l’arrivée de Blaise Compaoré, c’est une volte-face à 180 degrés qui ouvre une autoroute à l’agro-industrie qui privilégie les cultures de rentes destinées à l’exportation comme le coton et le sésame au sud-ouest du pays. Quel coup, quand on sait que 85 % de la population vit de l’agriculture familiale. Actuellement, les agriculteurs burkinabés redécouvrent l’agroécologie. À l’origine, René Dumont10 agronome engagé dans l’agriculture naturelle, notamment au Sahel, de 1970 à 1980 et Pierre Rabhi en 1981, ont véritablement agis sur le terrain. Le Burkina Faso aurait pu être pionnier de l’agroécologie et modèle pour l’Afrique subsaharienne.

 

Le point névralgique de cette agriculture régénératrice s’est surtout développé au nord/nord-est du Burkina dans un large périmètre de petits villages, à côté d’Ouahigouya : Sonh, Soulou et Gorom Gorom,… De chevaleresques agriculteurs ont la faculté d’arrêter le désert, il y a encore quelques années on les prenait pour des fous, maintenant on les imite. Ils ont compris que l’on doit changer son rapport à la terre pour espérer survivre ! La plupart ont expérimenté le « Zaï »11 qui vient du mot zaïegré (en mooré, langue des Mossi) qui veut dire « hâte-toi, d’aller préparer ton champ avant qu’il ne soit trop tard ». Cette technique ancestrale originaire de Yatenga au nord du Burkina Faso fut réhabilitée il y a plus de quarante ans. Le maitre d’œuvre connu, se nomme Yakuba Sawadogo. Cet homme à lui tout seul a recréé une zone boisée d’environ cinquante acres (20 hectares) sur vingt ans. On creuse des petits trous ou poquets, à la houe d’environ 20 cm de profondeur et 40 cm de large, dans lequel on mélange terre et compost (à préparer au préalable) et on place les semailles. Le but est de forcer les eaux de pluie à s’infiltrer dans le sol et donc, de réhabiliter en quelques années des sols très dégradés.

 

Cette technique a été importée du Mali, de la région des Dogons, et a été adoptée et améliorée par les agriculteurs du nord du Burkina Faso. Elle est aussi pratiquée au Niger pour les cultures de Sorgho et de petit Mil.

Un autre cousin éloigné, Madi Sawadogo explique que depuis qu’il applique l’agroécologie en rencontrant d’autres paysans burkinabés en janvier 2011, le mythe qui consistait à ne pas prendre en compte l’ensemble du vivant dans les cultures, pensant que la terre arable était sans limites, tombe. Maintenant, il s’agit de reconstituer un milieu naturel en régénérant les sols. Il y a urgence à arrêter les processus d’érosion pour capter davantage l’eau dans les nappes phréatiques.

Madi Sawadogo recycle ce qu’il trouve dans la savane, en faisant davantage attention aux cycles naturels de la faune et de la flore.

Actuellement, les agriculteurs concilient les approches du « zaï »12 et de l’agroécologie, ils mettent en place :

  • de petits cordons pierreux : on suit les courbes de niveau, c’est-à-dire perpendiculairement à l’écoulement des eaux, pour créer des terrasses horizontales. On canaliser l’eau durant les saisons des pluies, ces digues retiennent l’eau pour qu’elle s’infiltre dans le sol et ne court pas vers les rivières, on parle aussi de diguettes anti-érosives13. De plus, dès les premières pluies, les eaux de ruissellement retiennent un concentré de fertilité : sable, limon et argile et diverses matières organiques, pour que les diguettes se végétalisent rapidement ;

  • Un compost bien préparé qui fertilise et amende le sol, en ramassant la déjection des ruminants mélangés à des fibres végétales ;

  • la plantation d’arbres : leurs racines font remonter l’eau des nappes phréatiques pour assurer un minimum d’humidité au sol

  • la plantation d’un bocage sahélien (wégoubri en langue mooré)14. Le bocage permet une bonne conservation des eaux pluviales et le maillage des « haies vives » crée une atmosphère conservant localement l’humidité, rendue par l’évapotranspiration.

 

Un bocage sahélien, dans la ferme pilote de Guiè. Les arbres plantés ici, par l’ONG « Terre Verte » n’ont que des effets positifs pour la flore qui est protégée du soleil, du vent et du bétail vagabond et surtout il limite les inondations, en filtrant l’eau.

 

Madi Sawadogo est convaincu comme beaucoup d’autres qu’il peut faire ressusciter sa terre, d’autres parlent de régénération.

Le « zaï amélioré » au Burkina Faso a permis de réhabiliter environ 10 % des surfaces cultivées soit plus de 300 hectares selon une étude en 2014 menée par Overseas développement Institute. Oui, l’agroécologie peut doubler la production alimentaire en 10ans selon Olivier de Shutter.

En conclusion, ces agriculteurs sont un modèle de sagesse, ils nous enseignent comment bien vivre le présent tout en anticipant la préparation de sa terre sans regarder le futur dans une préoccupation exagérée qui consiste à penser dans nos sociétés occidentales, qu’on est totalement « maitre de sa vie ». En effet, l’agroécologie est peu intensive en intrants externe, mais intensive en connaissance, c’est une manière qui récompense l’inventivité des paysans et des paysannes dans leur écosystème auquel ils s’adaptent et ce sont des organisations paysannes qui trouvent souvent des solutions en diffusant les connaissances localement, qui sont souvent, bien plus efficaces que les décrets, venant du haut.

« La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu’elle nous résiste […] J’ai trahi mon but si j’ai paru vous engager à admirer d’abord les hommes. Ce qui est admirable d’abord, c’est le terrain qui les a fondés […] La vérité, ce n’est point ce qui se démontre. Si dans ce terrain, et non dans un autre, les orangers développent de solides racines et se chargent de fruits, ce terrain-là c’est la vérité des orangers. »

Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes, Gallimard, 1994

Pour aller plus loin :

  • Livre: NOUVEAU CLIMAT SUR LA TERRE, comprendre, prédire, réagir de Hervé le Treut, flammarion, 2009. Dans ce livre, H. le Treutr veut d’’abord, regarder vers le passé pour mieux appréhender le futur de notre planète. C’est en comprenant dans quelles conditions climatiques les diverses civilisations sont nées et se sont organisées que nous pourrons mieux définir les caractéristiques nouvelles de la période qui s’ouvre.
  • L’ONG terre verte est active depuis 1989 et travaille à la plantation d’un « bocage sahélien », à l’instar des paysans français au XVIe siècle qui plantaient des bocages en Normandie. L’association propose un aménagement rural mis au point par la ferme pilote de Guiè et étendu à d’autres fermes pilote, en particulier avec la ferme de Filly, si on totalise toutes les plantations depuis 2007, c’est 70 000 arbres qui ont été plantés depuis 2007 sur une zone de 800 hectares au profit de quelques centaines des familles paysannes :

  • Au Sénégal, c’est le nord du pays qui a été touché de plein fouet par l’exode rural, il y a encore 10 ans. Un grand nombre de paysans et paysannes partaient vers Dakar pour y travailler, la courbe se réinverse et d’autres préfèrent revenir pour vivre dans la ruralité. « Terre et humanisme » et « Agroécolologie & Solidarité » (ASPS) accompagnent des équipes sur place.

  • L’agriculture régénérative va de pair avec l’agroécologie et la permaculture, parce qu’elle pense en systèmes agricoles pérennes, plus autonomes, diversifiées, durables, produisant non seulement des ressources alimentaires variées, du système forestier, ou encore des légumes annuels du maraichage.

Le système de Mark Shepard peut être appliqué pour des parcelles de 4000 m² à plusieurs centaines d’hectares. Selon lui quand on restaure la nature, donc quand on la régénère, elle répond très vite et donne en abondance.

 

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