Comment exploiter le bois et les récoltes diverses tout en reconstruisant ou en maintenant un environnement déjà existant composé de prairie, jachère/friche et de forêt ? En réalité, et contrairement à ce que l’on pense, l’agriculture sous les arbres est tout à fait possible. L’opposition entre culture et forêt est caduque, ces deux systèmes pouvant très bien coexister dans une gestion en agroforesterie.

La forêt est un milieu vivant composé d’une structure verticale en quatre compartiments : les racines, les strates herbacées, les strates arbustives et les strates arborescentes. La permaculture par son approche du jardin-forêt se fonde sur une strate dite arbustive qui oscille entre la cime des grands arbres (canopée) et les arbustes/arbres dépassant rarement les 5-7m (reproduction d’une lisière d’un bois ou la plantation d’arbres pour un verger). C’est ce que montre l’exemple du jardin Moucron. Les arbustes sont taillés en éclaircies ou bien en supprimant les branches inférieures pour que les strates du dessous aient accès à la lumière. C’est une question d’échelle dans l’espace, entre le jardin-forêt qui reste du domaine de la permaculture à petite dimension et l’agroforesterie dans une plus grande mesure. Les deux sont complémentaires, car les arbres sont d’excellents compléments aux cultures. Cette complémentarité est malheureusement assez ignorée. Mais elle offre en réalité de nouvelles perspectives très prometteuses pour l’avenir et donne des enseignements très surprenants. Par exemple, parmi les plantes pour les céréales, le seigle a une relation privilégiée et bénéfique avec les arbres de par son enracinement en profondeur. Les radicelles de ces céréales en surface vont profiter de l’apport d’humidité des racines profondes des arbres. Il y a aussi d’autres espèces fertilisantes reconnues qui sont les plus riches en azote (N), mais également en phosphore (P) et potassium (K) que sont le cresson, l’oseille, les consoudes, le pissenlit, les lupins, la ciboulette, les prêles, les trèfles et la sarriette.1

L’arbre idéal pour l’agroforesterie est celui qui est un bon fixateur d’azote – pour la richesse du sol – et qui a un feuillage clairsemé pour laisser passer la lumière2 ; on privilégie des racines profondes dites pivotantes pour une compétition racinaire modérée (les arbres aux racines fasciculaires comme les pruniers, les cerisiers et les pins ne sont pas les plus recommandés). La qualité d’un arbre est déterminée par sa production de fruits et de bois, la rapidité de sa croissance et sa capacité à être un refuge pour les auxiliaires biologiques. Un arbre au profil idéal répondant à tous ces critères n’existe pas, soyons humbles et cherchons les associations.

 
 

Vue arienne du jardin-forêt, de Martin Crawford

 

Il y aurait donc, en vue de l’exploitation et de l’utilisation finale, une distinction à faire entre un « jardin-forêt » et un « jeune bois naturel». Cependant, plusieurs modèles peuvent s’appliquer selon sur quoi l’on veut tendre. Par exemple, si c’est du jardin/maraichage, on ne doit pas planter trop serré ; et inversement, si c’est pour du bois de coupe, la plantation sera plus confinée. Patrick Witefield 3 prend l’exemple de la savane faisant le distinguo entre le jardin-forêt qui est davantage un jardin arboré et une forêt-jardin, une forêt enrichie en espèces cultivées.

 

Exemple de différentes strates végétatives de Nicolas Fabre

 

Mais de nouveaux essais prometteurs à grande densité avec des plantations d’arbres sur des cultures dites céréalières commencent à émerger. L’agroforesterie a été redécouverte dans les années 70 par certains agriculteurs, alors qu’elle est un système très ancien. C’est dans les pays à climat tropical que cela a commencé et a été remis en place, notamment au Brésil qui a été touché de plein fouet par les monocultures occidentales non adaptées et à l’origine de la déforestation. L’agroforesterie y est extrêmement plus développée que chez nous : une forêt tropicale est souvent un ensemble de 12 strates contrairement à des ensembles de 4 à 7 strates, chez nous.

 https://www.youtube.com/watch?v=aiCi3L1i6dI 

À long terme, la culture multi-étages a un meilleur rendement énergétique (énergie dépensée par rapport à celle gagnée). Ce sont bien entendu les espèces à hautes tiges  (10 à 30 m en taille adulte que sont les aulnes, les frênes, les hêtres, les noyers, les châtaigniers… ) qui demanderont un grand espacement entre les lignes d’arbres et, ceux en basse-tige, dans la gamme des fruitiers (kaki, pécher, pommier…) auront besoin de moins d’espacement entre 6 et 12 m. Cela dépend des moyens mécaniques utilisés pour les récoltes, mais également, si la région subit un excès d’ensoleillement qui se répercute négativement sur les cultures, ainsi la gamme des arbres des « sur-étages » dite arbustive, se choisit si les espèces privilégient une ombre légère selon un feuillage composé, lancéolé et fin, comme l’acacia, le frêne, le févier d’amérique, les bouleaux et l’albizzia…

En effet, la compétition dans le sol est en fait très bénéfique, un microclimat s’installe grâce à l’ombrage de l’arbre, qui protège également des vents et rafraichit les parcelles souvent en proie à la sècheresse (plus nombreuses par défaut dans un contexte de transition climatique : température trop douce et trop élevée en hiver et au début du printemps). Un relai s’organise alors : le court à moyen terme pour la production de céréales et le long terme pour la production des arbres. Le but est donc de diversifier les activités et les habitats. Souvent cela passe par des alliées fidèles : les auxiliaires biologiques, les prairies fleuries, etc. qui donnent ou permettent de retrouver de la biodiversité et surtout, de réguler les parasites herbivores et la pollinisation.

La nature restera toujours surprenante. Il y a quelques principes à tester, la nature n’est pas à enfermer dans un dogme, ni à cadrer.

Denis Flores dans l’Hérault :

  

Et Martin Crawford pour Agroforestry Research Trust qui privilégie un temps de travail minimum pour le désherbage sélectif et à bien sélectionner des espèces diversifiés:

  

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.